Quelqu'un a vu mon diadème ?

J'ai dû le perdre en passant l'aspirateur hier matin. Déjà que je m'étais cassé un ongle en essayant de défaire un nœud dans un lacet d'espadrille mouillé, brûlé la frange en retirant le rôti du four pendant que j'essayais simultanément de flamber la sauce d'accompagnement… En plus de la cicatrice qui est apparue sur mon bras au moment où la corde à linge a flanché sous le poids des cinq paires de jeans que je venais de laver et de la légère claudication dont je suis affublée depuis ma chute dans l'escalier du sous-sol alors que j'enjambais un lot de bottes d'hiver la semaine dernière pour aller chercher des jus pour les lunches du lendemain. Disons que je n'aurai pas vraiment fière allure pour les retrouvailles avec mes amies du secondaire. Avec un peu de chance, elles auront aussi perdu leur diadème…



dimanche 15 février 2009

L'alphabet


A comme — à la une, à deux, à go, allez !
B comme — bon. Bon comme du bon pain.
C comme — ça. C'est comme ça que c'est venu.
D comme — demain, ou hier, qu'importe.
E comme — entente. Entente à deux, entente à trois.
F comme — folie. Celle qui me gagne certains jours fous.
G comme — grandiose. Une symphonie, la nature. Une œuvre complète.
H comme — heure. L'heure H peut-être, l'heure de partir.
I comme — idole. Celle au loin, l'intouchable, l'inaccessible.
J comme — jeune. Jeûne aussi. J'aurais dû. Si j'avais su.
K comme — kangourou au Scrabble, folie des grandeurs qui se transforme souvent en képi.
L comme — lune. Lunatique, lunette et lorgnon.
M comme — manigance d'un joueur de tours.
N comme — C'est non ! Pas peut-être. Juste non !
O comme — oto-rhino-laryngologie, je n'ai pas pu résister et je l'ai mis dans mes insertions automatiques.
P comme — parure. En parure. La panure.
Q comme — quai de gare, que sera sera, qué sé tu veux ?
R comme — Réjean, où as-tu mis la rhubarbe ?
S comme — si, Sissi, soupçonneux, supplice, soutane.
T comme — tourtière quant tu nous tiens.
U comme — usurpateur ultime dans une usine d'universitaires.
V comme — vas-y avant que je revienne.
W comme — wagon de wapitis en perdition.
X comme — Xavier exproprie son ex.
Y comme — y a-t-il un ou deux t dans Yéti ?Z comme — Zachée est au zoo alors je zappe en l'attendant.

vendredi 13 février 2009

Tenue de bal


La robe est là, sur le cintre, le corset repose à côté, à l'envers. Déjà vingt minutes que j'observe le tout sans me décider à l'enfiler. J'ai renvoyé tout le monde en bas, l'habilleuse et les filles, leurs jacasseries m'épuisaient. Sûrement pas autant que le fera le simple geste d'enfiler cet attirail. Dix autres minutes d'attente à souffler un peu, à me préparer mentalement. Retenir son souffle toute la journée, voilà qui ne doit pas être chose facile. Juste d'y penser, mon estomac se noue, je sue à grosses gouttes et mes idées s'embrouillent.

Bon, assez tergiversé, je me lance. D'abord les bas. On les dit de soie, mais ils sont tellement raides et rugueux, tout à fait inconfortables, je peux déjà le prévoir. Quelle misère! Il y a deux jours, j'ai vu, dans une boutique, des bas qui me semblaient tellement mieux convenir. Blancs, juste au-dessus du genou. Sous l'amoncellement de jupes et de jupons, personne n'aurait pu voir les deux lignes rouges qui ornaient le haut du bas, ni l'empeigne qu'ils portaient fièrement. ADIDAS. Devant mon regard tenté, Madame De Pompadair a pris son air le plus pompeux. Je n'ai pas insisté.

Bon voilà, les bas sont en place. Le corset maintenant. On inspire et on expire pour la dernière fois aujourd'hui. J'enfile l'armature avec des gestes lents qui donnent tout le temps à mes poumons de descendre dans ma cage thoracique, entraînant au passage le cœur, l'estomac et la rate, pour aller s'asseoir sur la vessie sous laquelle sont déjà installés la cellulite et les vergetures, renvoyés par le bas seyant. Le corset a aussi pour effet de remonter mes seins jusqu'à ma gorge, compressant ma thyroïde à la limite du supportable. Quelle grâce !

Le couturier m'avait parlé d'une gaine dix-huit heures qui laisserait tous mes organes vitaux à leur place et me permettrait de respirer librement. Finalement, il semble que seul le mot dix-huit heures soit de mise. Je l'ai depuis deux minutes et j'ai l'impression que ça fait dix-huit heures. Ma gaine me fait mourir!

Enfin, j'attache les lacets aussi serrés que je peux, étant seule, et pour aujourd'hui, cela suffira. Passons aux jupons qui vont m'élargir le postérieur à un point tel que ma taille n'en paraîtra que plus fine. Le fait d'en porter cinq me permet de cacher un élément de ma personnalité qui plus encore que le corset, couperait le souffle à Madame de Pompadair… En fait, je suis retournée à la petite boutique et j'ai acheté les superbes chaussures blanches en matériau synthétique qui s'agençaient parfaitement avec le bas Adidas. Elles remplaceront confortablement les énormes chaussures noires que l'on porte habituellement et qui sont si étroites que même le fait de changer d'idée quand on les porte demande un effort surhumain.

Enfin, la robe. Il faut au moins une heure de travail, d'abord pour l'enfiler par-dessus la tête et trouver l'encolure au premier essai. Puis descendre jupons, plis, manches, froufrous. Pincer boutons, lier lacets. Accrocher agrafes. Repasser mauvais plis et retrousser manches.
Voilà la tâche fastidieuse terminée! Expirant bruyamment, je regarde autour de moi pour m'apercevoir avec horreur qu'il me reste un jupon ! Devrai-je donc tout enlever et recommencer? Et si je le brûlais?

jeudi 12 février 2009

L'envahisseur


On imagine sans peine le dilemme qui se pose pour moi. En effet, voilà deux semaines, sans crier gare, Monsieur a décidé qu'il s'installait chez moi. Peu importe, il aurait crié gare, je n'aurais su que répondre. Bien trop gentille, la fille, bien trop aimable aussi. Incapable de rouspéter, encore bien moins de refuser. C'est avec un petit air niais que je l'ai regardé envahir mon domaine, bousculer mes affaires pour installer les siennes. C'est en souriant idiotement que j'ai vu passer sous mon nez, et sans broncher, des valises remplies de vêtements, des caisses de livres, un chaudron, un vélo d'exercice qui trône maintenant au milieu du salon, de mon salon, une bouteille de « bubble bath » à moitié vide, un globe terrestre (à ce moment, mon sourire est devenu encore plus idiot et mon air, plus niais), une coutellerie en argent massif, sûrement offerte par sa mère, trop heureuse de s'en débarrasser (du fils, pas de la coutellerie), et j'en passe et des meilleures.

Après seulement deux mois de fréquentations, il avait décidé de notre avenir, de mon avenir. « Après quelques mois ensemble, nous verrons où nous en sommes et nous évaluerons la situation de nouveau », m'a-t-il dit. Et comment que nous verrons. Je vois déjà où il en sera lui, et je sais que c'est ailleurs que dans mon salon, autre part que dans mon lit ! Merci ! Il ira « véloexerciser » ailleurs et sa coutellerie suivra ! Belles paroles, ma grande, belles paroles. Dommage que ta voix soit si faible qu'il ne l'entende pas. De toute façon, pour l'heure, il est enfermé dans la salle de bain, probablement dans la mousse du « bubble bath » jusqu'aux oreilles.

C'est bien fait pour moi ! Il fallait réagir avant qu'il s'impose, qu'il s'amène, puis s'installe. Tu parles, se laisser abuser de la sorte. Il ne me reste qu'à concocter un plan pour qu'il déguerpisse. Hausser le ton ? Couper le globe-terrestre en deux pour en faire des bols à soupe ? Lui faire peur ? L'envahir à mon tour ? L'empoisonner ? Le noyer dans les bulles ? Le poignarder avec un couteau de la coutellerie. Le tromper ! Saboter son vélo d'exercice. L'ignorer ? Apprendre à l'aimer... L'apprivoiser. M'y intéresser. Le quitter. Que faire ? Voilà, je sais. Fidèle à moi-même, je décide que la meilleure attitude serait de ne rien faire…

mercredi 11 février 2009

Commencez par le rencontrer dans un cours de quelque chose...


(Texte écrit à la manière de Lorrie Moore)

Sortez tous vos atouts, vos yeux doux, votre nez aquilin et vos plus beaux bas de soie. Ne lui laissez pas trop voir vos intentions, mais attirez plutôt son attention par vos gestes démesurés et vos regards impudents.

Ramenez-le chez vous en comptant sur votre chemin tous les lampadaires dont la lumière vacille ou a succombé tout bonnement. Si vous arrivez à un nombre impair, faites-lui regarder un match de quelque chose à la télé en l'observant du coin de l'œil et en engouffrant des croustilles comme si c'était la première et la dernière fois que vous en mangiez. Ne lui en offrez surtout pas et remarquez l'attitude qu'il adoptera. Agacement, amusement ou exaspération. Si c'est l'agacement, il est préférable de ne pas poursuivre cette relation puisque s'il est agacé pour si peu, il ne pourra pas tolérer vos ronflements, vos masques de beauté et vos vêtements de nuit en finette, surtout un soir où vous aurez choisi de combiner les trois. Si c'est l'exaspération, oubliez tout, il n'était pas fait pour vous. Si c'est l'amusement, lancez-vous dans cette histoire à corps perdu.

Achetez-vous un manteau et un chapeau semblables aux siens et insistez pour qu'il vienne vous chercher au travail afin que vos amis vous voient partir main dans la main, chapeau contre chapeau. Demandez-lui de raser sa moustache pour le plaisir de voir jusqu'où il irait pour vous. Finissez ses phrases pour lui quand cela vous chante. Dites-lui que, décidément, la moustache lui allait bien.
Gardez toujours un air distant dans vos conversations avec lui pour lui montrer qu'il devra se battre chaque jour pour vous voir mettre vos manteau et chapeau. Ne lui racontez jamais votre vie, mais plutôt celle d'une héroïne inventée de toutes pièces ou d'une amie qui n'a jamais eu à s'inscrire à des cours pour rencontrer des hommes. Si un jour, vous voyez qu'il commence à montrer des signes d'agacement, inscrivez-vous à un cours et recommencez le processus en oubliant le conseil du manteau et du chapeau !

mardi 10 février 2009

Ténébreuse affaire


Toute cette ténébreuse affaire commença par un coup de téléphone de Londres. Enfin ténébreuse, c'est un peu fort. Disons d'abord que c'était un mauvais numéro. Vous conviendrez avec moi que de se retrouver en ligne avec Londres quand on vient tout juste de s'endormir, c'est plus fâcheux que ténébreux. Enfin, pour un roman, je trouve que ténébreux, c'est mieux. Pas que ça fasse plus romanesque; disons plutôt que c'est un mot qui fait nouveau pour écrire dans une nouvelle.

Donc, je récapitule. Un appel de Londres. Mais qui donc appelle à cette heure ? Non, je n'ai rien acheté, rien commandé, ni par Internet, ni de vive voix, ni par écrit. Alors question de confirmer une commande, je suis mal barrée. Et oui, je parle anglais, mais pas à cette heure, pas plus que je ne le comprends avec ce vieil anglais « Jane Austen », surtout pas encore à moitié endormie. À l'autre bout du fil, on s'impatiente. Décidément, ça n'est plus rien que fâcheux, ça devient ténébreux.

Le ton monte d'un cran. Lors de votre dernier séjour à Londres, Madame, vous avez demandé qu'on vous livre…

Mais, « crikey ! », je ne suis jamais allée à Londres, ni lors de mon dernier séjour, ni jamais. Qu'est-ce qu'il raconte, le British ? Je lui demande à qui j'ai l'honneur de m'adresser. Mister Darcy, qu'il me répond. J'échappe le bas de ma mâchoire… Comme je tente de lui expliquer dans un anglais encore endormi, une troisième voix s'interpose sur la ligne. Je crie plus fort, mais rien à faire, ils s'obstinent et ne font qu'embrouiller la ténébreuse affaire davantage.

Soudain, on frappe à la porte. Le sans fil toujours à la main, je vais ouvrir sans même me méfier. Au point où j'en suis ? Deux hommes entrent, affublés de ces imperméables couleur mastic que décrit si bien Lorrie Moore. L'un me prend le téléphone des mains. Il n'a pas l'air commode. Il lance trois mots au British à Londres, me laissant supposer qu'il est au courant de cette histoire de commande ténébreuse. Non, c'est l'affaire qui est ténébreuse, pas la commande. La commande, elle est frauduleuse, je dirais plus. L'autre, pas plus avenant, sort une espèce de veste blanche à longs cordons. Joli morceau, que je me dis, l'esprit de plus en plus embrouillé. Je bouge à peine pendant qu'ils me l'enfilent. Finalement, en y regardant de près, ils ne sont pas couleur mastic, leurs imperméables, ils sont blancs plutôt… immaculés.

Et ils ferment la porte en sortant. J'étais emmaillotée au beau milieu du salon, incapable de faire un seul geste, même pas pour éteindre la sonnerie du réveil qui me cassait joliment les oreilles…