Quelqu'un a vu mon diadème ?

J'ai dû le perdre en passant l'aspirateur hier matin. Déjà que je m'étais cassé un ongle en essayant de défaire un nœud dans un lacet d'espadrille mouillé, brûlé la frange en retirant le rôti du four pendant que j'essayais simultanément de flamber la sauce d'accompagnement… En plus de la cicatrice qui est apparue sur mon bras au moment où la corde à linge a flanché sous le poids des cinq paires de jeans que je venais de laver et de la légère claudication dont je suis affublée depuis ma chute dans l'escalier du sous-sol alors que j'enjambais un lot de bottes d'hiver la semaine dernière pour aller chercher des jus pour les lunches du lendemain. Disons que je n'aurai pas vraiment fière allure pour les retrouvailles avec mes amies du secondaire. Avec un peu de chance, elles auront aussi perdu leur diadème…



lundi 13 juin 2016

J'en prendrais une caisse


Après un mois de démêlés avec un agent de la caisse pour le transfert d'un placement, je constate que le solde de mon compte, quelques dollars en fait, est amputé chaque mois de frais de tenue de compte de 1 $. Je décide de le fermer.

Je me rends à la caisse et après avoir fait la file au mauvais endroit pendant dix minutes, je finis par trouver la bonne file et me retrouve devant la caissière.

— Bonjour. J'aimerais fermer ce compte.

La caissière saisit mon relevé de compte et y jette un coup d'œil rapide.

— Pas de problème. Je vais juste vérifier quelque chose.

Elle quitte vers l'arrière avec mon relevé et revient quelques minutes plus tard.

— J'ai vérifié et comme le compte est inactif, vous ne pourrez pas le fermer en une seule fois, il faudrait y déposer un montant pour le réactiver, puis revenir pour le fermer.
— Pardon? Mais si le compte est inactif, comment se fait-il que vous préleviez des « frais de tenue de compte »? Je ne savais pas que l'inactivité exigeait de la tenue?
— Euhh. Attendez-moi une minute, je vais vérifier.

Elle retourne à l'arrière pour revenir quelques minutes plus tard.

— Ok, pour cette fois, nous allons pouvoir le faire.

Dans ma tête, je me dis que ça sera effectivement pour cette fois parce qu'il n'y en aura pas d'autres.

— Plutôt que de retirer les 5 $ déposés à la base pour l'ouverture du compte, est-ce que je pourrais laisser le compte ouvert avec le solde de 5 $ et le réutiliser éventuellement?
— Oui, c'est possible.
— Il n'y aurait pas de frais de tenue de compte à ce moment?
— Non.
— Alors faisons ainsi.
— Très bien. Vous devrez toutefois y déposer de l'argent au cours des deux prochains mois pour éviter que le compte ne devienne inactif.
— ?? (dans le regard). Alors dans ce cas, fermons-le.

Elle tamponne des documents, retourne à l'arrière pour imprimer un document, me demande de signer les deux copies et les reprend toutes les deux.

— Est-ce que je n'ai pas une des copies?
— Oui, bien sûr, désolée.

Elle farfouille dans sa caisse.

— Voilà, vous aviez un solde de 17,63 $, plus les 5 $, ce qui fait 22,63 $. Comme il n'y a plus de cent, je vous remets donc 22,60 $.
— ?? (dans le regard). Merci!

Je ne sais pas compter, mais est-ce que 63¢ arrondis, ça ne donne pas 65¢? Je vais m'informer auprès de mon comptable de mari.

mardi 7 juin 2016

Lock-out


Voilà que la mère Michelle fait la grève. « Lock-out » qu'elle a dit au bonhomme. Je suis fatiguée, je ne m'en peux plus. Elle a pris ses chaudrons, ses plats, ses passoires, ses louches et elle les a tous étalés à la queue « leu leu » le long du mur sur la galerie. Ils font foi de sa décision et renforcent sa détermination. Le bonhomme s'est rassis dans sa berceuse, estomaqué, et regarde maintenant défiler les voisins devant la collection de maman. Elle a même suspendu son tablier sur la corde à linge, à l'envers, et s'est enfuie au marché. Pas pour acheter ce qu'il faut pour le souper, à ce qu'il a cru comprendre. Mais voilà, le bonhomme est désemparé. Depuis la fermeture du chantier, il passe ses grandes journées auprès de maman et il a bien senti qu'il y avait de l'orage dans l'air. Elle n'a rien dit, pourtant. Elle a juste « bourrassé » un peu plus. Même lorsqu'elle a passé le balai hier soir pour la troisième fois de la journée et qu'il a levé les pieds pour lui laisser le chemin libre, déjà elle avait l'air drôle.

Au souper, hier, il n'a rien dit quand elle lui a servi des pommes de terre en purée alors qu'elle sait très bien qu'il n'aime que les rondes. Il a bien tenté d'essuyer la vaisselle, mais après deux assiettes cassées et parce qu'il lui avait demandé deux fois où allaient les fourchettes, elle s'est impatientée, lui a pris le linge des mains et l'a renvoyé à sa berceuse. Elle en a même oublié de lui servir son café, comme elle le fait depuis 25 ans. Vraiment, le bonhomme ne sait que faire.

Pendant ce temps, la mère Michelle se détend. Elle pense même à s'acheter des fleurs et s'arrête en chemin pour regarder la rivière couler sous le pont. Elle se sent heureuse et libre et rit bien en repensant à l'expression du bonhomme quand il l'a vue sortir ses chaudrons. Faire la grève, à son âge. Mais voilà plus de 25 ans qu'elle prend soin de lui et des enfants. Sans jamais un mot d'appréciation, sans aucun remerciement. Elle ne demande pas grand-chose. Un simple mot gentil qui ne vient pas.

Les week-ends, ce sont les enfants qui arrivent avec leur progéniture et grand-maman se démène. Un verre de lait par-ci, un lit à faire par-là, un plat préféré, un dessert, une petite brassée, un coup de balai, une soupe au poulet pour soigner une mauvaise grippe… Et le dimanche, tout ce beau monde repart en prenant soin d'emporter tout le contenu du réfrigérateur et en laissant derrière un beau fouillis et un bonhomme endormi dans sa berceuse.

En passant devant le presbytère, la mère Michelle aperçoit le curé assis dans sa berceuse. La ménagère se démène autour de lui et maman a bien envie de lui parler un peu. Puis, elle s'éloigne en faisant un geste de la main. Il faut aller préparer le souper du bonhomme, il doit avoir faim!

lundi 6 juin 2016

Superficiel



Hier, j'ai rencontré une connaissance au gym. Le genre de connaissance à qui vous demandez « Ça va? » et qui ne vous retourne jamais la question. Parfois, j'aurais envie de leur faire peur.

— Bonjour, contente de te voir. Je vais bien, j'ai peu de travail, alors j'écris. Des folies, tout ce qui me passe par la tête. Un peu comme je fais présentement, je dis tout ce qui me passe par la tête pour t'empêcher de me raconter ta vie et de réduire l'importance de la mienne à néant. Mon psychiatre s’est suicidé. Dans la lettre qu’il a laissée, il a dit que c’était de ma faute. Bon, je te laisse, j'ai rendez-vous chez le vétérinaire avec mon caniche. Pour lui, pas pour moi. C'est pas mal plus compliqué pour moi, je n'ai pas de médecin de famille. Mais je suis sur 5 listes d'attente. Si je prends ma possibilité la plus probable ou ma probabilité la plus possible, 648 personnes devront mourir, quitter le Québec, devenir médecins ou voir leur chance sur une autre liste se concrétiser pour que j'arrive en haut de la liste. Le problème, c'est que pour cette liste, le médecin a 72 ans, donc il aura pris sa retraite avant que je n'arrive en haut. De la liste, pas au ciel.

Mon interlocutrice a déjà l'œil vitreux et son intérêt s'est envolé à partir de « Je vais bien ». Je m'acharne, je me dis qu'elle comprendra peut-être et que la prochaine fois, elle me demandera comment je vais. En fait, la prochaine fois, elle m'évitera. C'est pareil.