Quelqu'un a vu mon diadème ?

J'ai dû le perdre en passant l'aspirateur hier matin. Déjà que je m'étais cassé un ongle en essayant de défaire un nœud dans un lacet d'espadrille mouillé, brûlé la frange en retirant le rôti du four pendant que j'essayais simultanément de flamber la sauce d'accompagnement… En plus de la cicatrice qui est apparue sur mon bras au moment où la corde à linge a flanché sous le poids des cinq paires de jeans que je venais de laver et de la légère claudication dont je suis affublée depuis ma chute dans l'escalier du sous-sol alors que j'enjambais un lot de bottes d'hiver la semaine dernière pour aller chercher des jus pour les lunches du lendemain. Disons que je n'aurai pas vraiment fière allure pour les retrouvailles avec mes amies du secondaire. Avec un peu de chance, elles auront aussi perdu leur diadème…



mardi 7 juin 2016

Lock-out


Voilà que la mère Michelle fait la grève. « Lock-out » qu'elle a dit au bonhomme. Je suis fatiguée, je ne m'en peux plus. Elle a pris ses chaudrons, ses plats, ses passoires, ses louches et elle les a tous étalés à la queue « leu leu » le long du mur sur la galerie. Ils font foi de sa décision et renforcent sa détermination. Le bonhomme s'est rassis dans sa berceuse, estomaqué, et regarde maintenant défiler les voisins devant la collection de maman. Elle a même suspendu son tablier sur la corde à linge, à l'envers, et s'est enfuie au marché. Pas pour acheter ce qu'il faut pour le souper, à ce qu'il a cru comprendre. Mais voilà, le bonhomme est désemparé. Depuis la fermeture du chantier, il passe ses grandes journées auprès de maman et il a bien senti qu'il y avait de l'orage dans l'air. Elle n'a rien dit, pourtant. Elle a juste « bourrassé » un peu plus. Même lorsqu'elle a passé le balai hier soir pour la troisième fois de la journée et qu'il a levé les pieds pour lui laisser le chemin libre, déjà elle avait l'air drôle.

Au souper, hier, il n'a rien dit quand elle lui a servi des pommes de terre en purée alors qu'elle sait très bien qu'il n'aime que les rondes. Il a bien tenté d'essuyer la vaisselle, mais après deux assiettes cassées et parce qu'il lui avait demandé deux fois où allaient les fourchettes, elle s'est impatientée, lui a pris le linge des mains et l'a renvoyé à sa berceuse. Elle en a même oublié de lui servir son café, comme elle le fait depuis 25 ans. Vraiment, le bonhomme ne sait que faire.

Pendant ce temps, la mère Michelle se détend. Elle pense même à s'acheter des fleurs et s'arrête en chemin pour regarder la rivière couler sous le pont. Elle se sent heureuse et libre et rit bien en repensant à l'expression du bonhomme quand il l'a vue sortir ses chaudrons. Faire la grève, à son âge. Mais voilà plus de 25 ans qu'elle prend soin de lui et des enfants. Sans jamais un mot d'appréciation, sans aucun remerciement. Elle ne demande pas grand-chose. Un simple mot gentil qui ne vient pas.

Les week-ends, ce sont les enfants qui arrivent avec leur progéniture et grand-maman se démène. Un verre de lait par-ci, un lit à faire par-là, un plat préféré, un dessert, une petite brassée, un coup de balai, une soupe au poulet pour soigner une mauvaise grippe… Et le dimanche, tout ce beau monde repart en prenant soin d'emporter tout le contenu du réfrigérateur et en laissant derrière un beau fouillis et un bonhomme endormi dans sa berceuse.

En passant devant le presbytère, la mère Michelle aperçoit le curé assis dans sa berceuse. La ménagère se démène autour de lui et maman a bien envie de lui parler un peu. Puis, elle s'éloigne en faisant un geste de la main. Il faut aller préparer le souper du bonhomme, il doit avoir faim!

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