Quelqu'un a vu mon diadème ?

J'ai dû le perdre en passant l'aspirateur hier matin. Déjà que je m'étais cassé un ongle en essayant de défaire un nœud dans un lacet d'espadrille mouillé, brûlé la frange en retirant le rôti du four pendant que j'essayais simultanément de flamber la sauce d'accompagnement… En plus de la cicatrice qui est apparue sur mon bras au moment où la corde à linge a flanché sous le poids des cinq paires de jeans que je venais de laver et de la légère claudication dont je suis affublée depuis ma chute dans l'escalier du sous-sol alors que j'enjambais un lot de bottes d'hiver la semaine dernière pour aller chercher des jus pour les lunches du lendemain. Disons que je n'aurai pas vraiment fière allure pour les retrouvailles avec mes amies du secondaire. Avec un peu de chance, elles auront aussi perdu leur diadème…



mercredi 14 avril 2010

Exercices de style

Avec Exercices de style, Raymond Queneau a écrit la même histoire, simplissime et banale, de 99 façons différentes.

Le texte de base

Un voyageur attend le bus, il remarque un jeune homme au long cou qui porte un chapeau bizarre, entouré d'un galon tressé. Le jeune homme se dispute avec un passager qui lui reproche de lui marcher sur les pieds chaque fois que quelqu'un monte ou descend. Puis il va s'asseoir sur un siège inoccupé. Un quart d'heure plus tard le voyageur revoit le jeune homme devant la gare Saint-Lazare. Il discute avec un ami à propos d'un bouton de pardessus.

Vous avez envie d'essayer ?

Expressions consacrées
Je n'arrive pas à y croire. Le culot de certaines personnes, je dirais le menton tout le tour de la tête. Celui-là, je vous le dis, il n'y est pas allé avec le dos de la main morte. Voici les faits. Je monte dans l'autobus à l'heure de pointe. Monsieur est là, debout, à côté de moi. Il est affublé comme la chienne à Paul, chapeau melon sur veston à pois, pantalon vert, souliers roses. Une cravate d'une couleur qui hésite entre le vert et le mauve, mais d'un ton criard qui pourrait causer des dommages permanents à la rétine. Des gens descendent, d'autres montent. Monsieur s'offusque, vous auriez dû le voir. Il bouillait du noir. Trop à l'étroit dans ses souliers roses, il m'accuse de lui piétiner les orteils, de lui marcher sur les chevilles. Il me roule des yeux de poisson frais. Je sens que cette histoire va tourner au miel ou même se terminer en queue de cheval. Je soutiens son regard sans osciller. Une place se libère. Il piétine sans gêne une femme enceinte pour s'asseoir. Quelle frange! Eh bien à bride donnée, on ne regarde pas le cheval. Je n'en reviens pas. Mais l'histoire ne se termine pas là. Deux heures plus tard, je le retrouve en compagnie d'amis devant la gare. Vraiment, il est connu comme Jean dans Barabas, notre monsieur. Mais quand même, à son air, on voit bien qu'il n'a pas inventé le bouton de manchette.


Indécis…
Alors écoute ça! Je te raconte. Hier, je suis dans le train de banlieue et il n'y a pas un chat autour. Pas un chien non plus d'ailleurs. Arrive un type bien mis avec un chapeau, ni mou, ni dur; un cordon, plus large qu'une corde, plus mince qu'un ruban. Le type n'est ni jeune ni vieux. Il a un drôle de cou, un peu guindé, pas comme une girafe, mais pas comme une marmotte non plus. Des gens montent dans le train, d'autres en descendent. Le type s'irrite contre son voisin. Il a l'air fâché, mais pas trop tout de même. Il lui reproche de le bousculer, enfin pas trop, juste un peu. Il a un ton à la fois doux et grinçant. Comme il voit une place libre, il se précipite dessus, assez rapidement, à pas de tortue. Deux heures pus tard; non, je dirais une heure plus tard, le même type se trouve à l'arrêt d'autobus. Son copain, enfin peut-être que c'était pas son copain, lui parle de bouton. Je n'ai pas trop compris le reste de l'histoire. Enfin, si j'ai compris, mais je ne me décide pas à t'en parler. Cela te surprend ?

vendredi 2 avril 2010

Téléportation


Attendez que je vous raconte… Hier, j'étais à la banque, derrière une quinzaine d'autres clients, la caissière était allée dîner, il y avait contact visuel insistant entre les quinze clients, dont j'étais, et les 26 autres personnes derrière le comptoir. Il s'agissait tous d'employés comme la directrice du service à la clientèle, le directeur des prêts, le directeur adjoint des hypothèques de deuxième rang et le concierge, donc tous des gens qui ne savaient pas suffisamment compter pour remplacer la caissière pendant son heure de lunch. Les esprits commençaient à s'échauffer, les regards à se faire plus insistants. Je me balançais d'un pied sur l'autre et le montant inscrit sur mon chèque s'était effacé sous la chaleur de mes doigts. « Un chèque, c'est bien valide six mois ? » que j'osai tout à coup demander à la dame devant moi. Elle ne m'a pas répondu et n'a fait que me regarder avec des yeux vides, visiblement en transe.

C'est à ce moment que j'ai placé le pouce de ma main droite, tout taché de l'encre du chèque, sous mon coude gauche en me disant : « Comme je voudrais être ailleurs ! ». Et hop ! Comme par enchantement, je me suis retrouvée chez IGA, dans la section des surgelés. Quelle surprise ! IGA n'aurait visiblement pas été mon premier choix si j'avais su, mais je voyais déjà grand. J'aspirais à mieux. Et je n'ai pas chômé depuis, laissez-moi vous le dire.

Je maîtrise maintenant la technique parfaitement. Avec un peu d'encre sur le pouce et un petit coup sous le coude, me voilà partie !